En 1973, sous l’impulsion de Monsieur Maurice Druon, de l’Académie française, alors président de l’Association des Lauréats du Concours Général et Ministre des Affaires Culturelles, la Direction des Archives de France présentait une exposition de documents jalonnant l’histoire de ce Concours.
Voici ce qu’écrivait Maurice Druon en introduction à cette exposition.
» Turgot, Calonne, Lavoisier… Ces noms, par lesquels s’ouvre le palmarès plus que bicentenaire du Concours Général, font la surprise heureuse de tout nouveau lauréat. La veille, ils n’évoquaient pour lui que des sujets d’étude, des figures lointaines, gelées dans les manuels d’histoire ; le lendemain, ils sont devenus ses aïeux, ses ancêtres directs.
Robespierre, Camille Desmoulins, André Chénier… A l’image figée, définitive que les dictionnaires donnent de ces guillotinés illustres, se superpose soudain celle, préalable, émouvante, des collégiens qu’ils furent.
Etrange aristocratie de l’adolescence que le Concours Général ! Une aristocratie qui ne se transmet que par le sang des livres, se prouve par un effort de six heures et qui ne donne droit à rien. Une preuve de valeur, et voilà tout.
Les créations qui durent sont celles généralement qui anticipent sur l’Histoire et répondent à un besoin futur. En créant le Concours Général, au milieu du XVIIIe siècle, afin de dégager les » jeunes élites » de la nation, l’Abbé Le Gendre anticipait sur la nécessité où allait se trouver la France de puiser ses élites à d’autres sources, dans d’autres couches sociales et par d’autres moyens qu’elle ne l’avait fait dans le passé.
Le nombre, non seulement d’hommes d’État ou de révolution… Sadi Carnot, Jaurès, Herriot, Pompidou… mais de personnalités qui se sont illustrées en tous domaines… Sainte-Beuve, Musset, Baudelaire… Galois, Berthelot, Bergson… dont les noms s’enchaînent sur nos annuaires, ne peut laisser indifférent. Il s’y rencontre une bonne partie des illustrations de deux Empires et de cinq Républiques, la nôtre n’étant pas la plus mal lotie. Il s’y rencontre le plus grand poète et le plus grand savant… Victor Hugo, Pasteur… que la France ait donnés au monde, les deux noms les plus étroitement associés à sa gloire.
Bien sûr, le Concours Général ne conduit pas forcément à la Présidence de la République ou au Panthéon. Bien sûr, parmi les sujets qui, présentés au Concours – ce qui n’est déjà pas mal – ne furent pas primés, beaucoup ont occupé dans la suite de l’existence des situations plus éminentes que celles de leurs concurrents heureux. Bien sûr, le pouvoir, l’influence, la notoriété sont échus tout aussi bien à des gens qui, pour une raison ou une autre, ne concoururent jamais. Le Concours ne donne accès à aucune grande école, n’est indispensable à aucune carrière ni n’en favorise administrativement aucune.
La concentration de célébrités futures que constitue cette compétition n’en demeure pas moins impressionnante.
Toute grande vie, toute grande réussite suppose des dons, du labeur et de la chance. Ce sont précisément les trois conditions d’un succès au Concours Général. Ne dispensant ni droit ni profit, apparemment inutile, le Concours a cette utilité suprême de justifier chaque année pour des jeunes hommes et jeunes filles, exceptionnels ou valeureux, la confiance qu’ils ont en eux-mêmes. Le premier témoignage public d’une prédestination.
Supprimé au début du siècle, pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la culture ni avec l’intérêt supérieur de l’Etat, il avait laissé de tels regrets, et devait si bien correspondre à une nécessité de la vie française, qu’il fut rétabli en 1922. C’est alors que fut fondée l’Association des Lauréats. «
Ce texte porte la signature
de Monsieur Maurice Druon
de l’Académie française
Président de l’Association des Lauréats du Concours Général
L’esprit du Concours Général est ainsi magnifiquement décrit.
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Et voici maintenant l’histoire de ce Concours, dont on verra qu’en dépit de nombreux cahots, il a su vivre et s’adapter sans renier son idéal.