par Christian Stoffaës
À la cérémonie pour Marie à Saint Thomas d’Aquin le 29 mai il y avait là tout son monde. Je citerai là Christophe Mory qui a prononcé un beau discours rempli d’émotion – « Qui sera là ; qui veux-tu qu’y vienne ? La famille ; des anciens collègues ; et puis « des gens » : des gens de la presse, des gens des galeries, des gens de la photo, des gens des chevaux, des gens des chapeaux, des gens des fleurs… Autrement dit tout Marie. Elle aurait pu elle-même décrire les lieux et l’ambiance : « cela ressemblait à une bande de copains, et il y avait aussi la famille, c’était chouette et sans chichi » ».
Son sourire lumineux, sa gouaille clairvoyante, ses yeux perçants nous manquent.
Elle portait sur le monde un regard distancié, ironique et bienveillant. Perspicace sur le dessous des cartes des jeux de la vie sociale, rien ne lui échappait des travers de chacun, des comportements affectés, toujours avec une fausse naïveté. Elle mariait les contraires, à la fois simple et snob, généreuse et sans le sou. Sa conversation, ses commentaires, son rire entendu, ses remarques gentiment vachardes étaient un ravissement permanent : on se serait cru dans du Proust.
Marie est née le 9 mai 1950 (nous avions la même date d’anniversaire) , deuxième d’une famille de sept enfants, enracinée dans la terre d’Alsace de ses ancêtres qu’elle retrouvait chaque été dans la maison familiale de Gérardmer. Sa famille comptait beaucoup pour elle : sa relation avec elle manifestait à la fois sa façon de rejeter les comportements de la bourgeoisie tout en en vivant les codes. Elle fut profondément marquée par la maladie de sa sœur Cécile, par la mort de son père André (dont je fus le collaborateur aux services de l’Urbanisme de la Ville de Paris).
Lauréate du Concours général de dessin elle a débuté sa trajectoire professionnelle dans la communication d’entreprise et la publicité. Elle a travaillé pour les bijoux Murat, comme responsable de la communication, pour Total, puis pour l’Omnium de Publicité. Elle y disposait d’un petit bureau au premier étage au-dessus de l’imposante porte cochère, à l’atmosphère amicale, en charge de ce qu’on n’appelait pas encore les RP- les relations publiques- travaillant directement aux côtés du président René Collet, avec lequel elle s’entendait merveilleusement, l’invitant à dîner dans sa Jaguar chez Taillevent. Mais qui l’emmena aussi plus loin dans l’expédition du Makalu, un sommet de 8500 mètres à la frontière du Népal et de la Chine, grande aventure qui la marqua pour longtemps avant de se consacrer entièrement à la peinture. Cas intéressant à méditer pour notre association d’une vocation professionnelle déterminée par un prix au Concours général.
Profession peintre : Marie a reçu une formation classique à l ‘Académie Charpentier, aux Beaux -Arts et aux Arts Décoratifs où, dans les années 70, elle a fréquenté les lundis soirs de l’atelier nouveau réaliste de Martial Raysse
Elle a exposé régulièrement aux Caves de Babylone à Paris, à l’Historial de Péronneet à l’Abbaye de Souillac. Ses sujets favoris peuvent être regroupé autour de quatre thèmes : les Représentations de la Guerre, de la Danse, de l’Antique et du Paysage. Elle s’est passionnée pour la mémoire en images de la grande Guerre. En 2010 elle a illustré La mort de Philae de Pierre Loti en écrans – photos ; texte à la fois poétique, nostalgique et ironique, écrit par Loti lors d’un retour d’Egypte.
Dans le cadre de sa recherche picturale sur le Paysage, son espace et sa représentation, Marie Herzog se consacre en 2011 a une cartographie quotidienne du monde contemporain. Par ses images, regroupées en séquences et nommées Clips du Temps présent elle cherche à capter et à apprivoiser l’histoire et l’actualité. Ces Cartographies font ensuite l’objet d’une interprétation plus distanciée en peinture : La Cartographie du Grand Large exposée en 2013 à l’Espace Kaméléon.
Elle se dévoua beaucoup pour notre association, dont elle était membre du conseil d’administration, L’association comptait beaucoup pour elle, manière sans doute de fidélité à son père où son père l’avait introduite, qui m’y avait lui-même fait entrer. Elle s’attacha à développer les événements et rencontres et à animer la Lettre de l’association, qui accueille aujourd’hui cette notice.
Puis il eut cette maladie dont elle ne parlait jamais, qui commença subrepticement par de légères faiblesses pour s’aggraver soudainement. Marie malade : ce n’était pas son genre, comme elle aurait pu dire, elle si forte. Je la voyais alors très souvent : elle ne m’en apprit le nom qu’à la fin. Sa disparition nous a pris par surprise, tous ses amis. Marie, si forte, si clairvoyante ne pouvait pas mourir