CONCOURS GÉNÉRAL DES LYCÉES – SESSION DE 2003
(Classes de Premières ES, L et S)
Durée: 4 heures
L’usage du dictionnaire est autorisé
JUSTIFICATION D’UN ASSASSINAT(1)
Lorenzaccio explique à Philippe Strozzi, vieux républicain idéaliste, les raisons qui expliquent son projet d’assassiner le tyran de Florence, Alexandre de Médicis: c’est un moyen pour lui de tenter de retrouver sa vertu perdue.(2)
Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre? Veux-tu donc que je m’empoisonne, ou que je saute dans l’Arno? veux-tu donc que je sois un spectre, et qu’en frappant sur ce squelette(3), il n’en sorte aucun son? Si je suis l’ombre de moi-même, veux-tu donc que je m’arrache le seul fil qui rattache aujourd’hui mon coeur à quelques fibres de mon coeur d’autrefois? Songes-tu que ce meurtre c’est tout ce qui me reste de ma vertu? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un mur taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d’herbe où j’ai pu cramponner mes ongles? Crois-tu donc que je n’ai plus d’orgueil, parce que je n’ai plus de honte? et veux-tu que je laisse mourir en silence l’énigme de ma vie? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s’évanouir, j’épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs(4).
Alfred DE MUSSET, Lorenzaccio, III, 3.
(1) Ne pas traduire le titre.
(2) Ne pas traduire cette indication en italiques.
(3) La didascalie précise: « Il frappe sa poitrine ».
(4) Cette périphrase méprisante désigne Alexandre.