DISSERTATION PHILOSOPHIQUE SÉRIE ES/S 2018 Copie de Augustin Rigollot

SUJET : Comment savoir ce qu’il faut faire ?

Note : Cette copie est restituée telle qu’elle a été écrite lors des épreuves du concours général, avec ses faiblesses, et elle rend compte humblement des réflexions d’un lycéen sur un tel sujet

L’artiste face à la toile, le général à la veille de la bataille, l’homme politique devant la foule, l’artisan confronté à la matière brute, l’écrivain devant la page blanche, et l’élève devant son sujet, tous se questionnent : que faut-il faire ?
Un questionnement perpétuel sur ce que nous devons faire, c’est là, peut-être le résumé, le « compendium » de l’existence humaine. L’Homme est un roseau, mais c’est un « roseau pensant » comme l’écrivait PASCAL. Et en tant d’Etre pensant, c’est là sa tâche que de se questionner sur ce qu’il doit faire. L’Homme effrayé face au poids de ses responsabilités, s’écrie alors : comment savoir ce qu’il faut faire ?
Comment, c’est-à-dire par quels moyens, de l’esprit ou du corps, répondre à ce questionnement millénaire : que faire ?


Mais ici se pose aussi la question du savoir. Il s’agit donc de se demander dans quelle mesure je peux avoir connaissance de ce que je dois faire. Comment pouvons-nous être conscients de ce que doivent être nos actes ? Par ailleurs, le verbe faire évoque l’action au sens premier : action sur le monde, et action vis-à-vis d’autrui. Faire, c’est d’abord agir, sur l’extérieur et la matière. Ce verbe convoque peut-être en premier lieu l’image de l’artisan, celui qui, grâce à la « techné » grecque, c’est-à-dire étymologiquement l’habileté, crée une œuvre ou un outil. Ne parle-t-on pas d’ailleurs de savoir-faire ? Ce savoir-faire, qui réunit en une seule expression l’essence même de notre questionnement, est le privilège du maître artisan, il est celui que devait sans doute posséder Pluton dans ses forges. Mais aujourd’hui, par faire ne faut-il pas entendre, au sens plus large, agir ? C’est d’ailleurs ce que laisse penser le « ce » général du sujet, qui ne nous indique pas une direction précise en ce qui concerne le « faire ». D’autre part, la question du devoir émerge aussi comme en témoigne le verbe falloir. Nous pouvons y voir à la fois l’expression du devoir moral, qui devrait régir nos actions selon qu’elles soient justes ou injustes, bonnes ou mauvaises, mais aussi l’idée d’une nécessité : dès lors l’acte qu’il faut accomplir, c’est l’acte nécessaire ou l’acte juste et bon, ou encore l’acte utile à notre bonheur.
Mais comment savoir si ce que nous faisons est bon et juste ou bien nécessaire, et quel guide doit-on suivre dans nos agissements ? Peut-on même atteindre à un savoir-faire universel, au sens de capacité à agit de la meilleure manière ?
Nous tenterons de montrer en premier lieu que l’exercice des lois, de notre raison, de notre conscience et de notre esprit peuvent permettre de savoir ce qu’il faut faire, avant de nous demander dans un second temps si les désirs, les sentiments et l’expérience sensible que nous faisons d’autrui et du monde ne sont pas au moins aussi importants pour savoir ce qu’il faut faire. Enfin, peut-on même acquérir une certitude concernant ce qu’il faut faire, ou doit-on se contenter de faire au mieux ?

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Nous nous attacherons à montrer ici dans quelle mesure notre raison, tout autant que notre conscience, notamment morale, peuvent nous permettre de savoir ce qu’il faut faire. Mais aussi comment les lois, les droits et les devoirs concourent à cette rationalisation de notre prise de décision.
Rappelons-nous ainsi de Médée, qui, dans la pièce éponyme de CORNEILLE, hésite à commettre son infanticide pour se venger de Jason. Lors de son monologue, elle semble être en proie au doute le plus affreux, à l’hésitation la plus cruelle : faut-il qu’elle commette cet acte irréparable ? Elle semble alors sombrer dans la déraison et finit par s’abandonner à ses meurtrières pulsions, sous l’emprise de la passion, de la jalousie et de la rage. Au contraire, si Médée avait usé de sa raison, si elle avait soumis son acte à la puissance de son entendement, peut-être alors eût-elle su comment agir de manière juste et bonne. Au travers de cet exemple, nous constatons donc dans quelle mesure l’exercice de la raison peut nous aider à savoir ce qu’il faut faire. Encore faut-il que notre raison soit libre de toute contrainte, de tout frein et [de] tout joug, et qu’elle échappe enfin à ce que KANT nommait, dans Was ist Aufklärung ?, l’ « Unmündigkeit », c’est-à-dire l’état de minorité. Cet état, qu’il soit dû à la société ou à nos propres passions, ne nous permet pas d’agir par nous-mêmes en tant qu’Etres libres. Si nous échappons à cet état, nous saurons naturellement ce que nous devons faire, car l’Homme possède ce que le philosophe allemand appelle « der gute Kern » dans Was ist Aufklärung ?, à savoir le bon cœur qui se trouverait en chacun de nous. KANT ajoute : « Tout Homme, en tant qu’être moral, possède en lui, originairement, une conscience morale ». Ainsi, sur le plan moral, nous serions en mesure de savoir ce qu’il faut faire, de par l’exercice de notre raison (Vernunft) et de notre entendement (Verstand). En objectivant nos actions au prisme de notre conscience morale, nous serions en mesure de distinguer le juste de l’injuste et d’agir en conséquence. Pour autant, c’est là supposer que l’Homme soit capable de sortir totalement de son état de minorité. En effet, lors-même qu’il ne serait plus retenu par des maîtres, des chefs plus puissants que lui, encore serait-il nécessaire à l’Homme de s’affranchir de ses propres faiblesses : la passion qui obscurcit l’esprit, la haine et la vengeance qui font commettre le pire. Dès lors, il faut que l’individu soit guidé dans ce cheminement, non seulement par sa raison et sa conscience, mais aussi par la société, et surtout par le droit, la loi et la justice.
Ainsi, le droit permettrait à l’Homme de savoir ce qu’il faut faire, en cela qu’il fixe des règles que nous pouvons suivre. Faut-il alors, pour savoir ce qu’il faut faire, s’en remettre à un Contrat social comme le fait ROUSSEAU ? La loi, en tant qu’entité nous dépassant et nous englobant comme citoyens, semble en effet capable de prescrire ce qu’il faut et ne faut pas faire. Ainsi, SOCRATE, même condamné injustement, agit selon les lois de la cité et se plie à la sentence. La loi, comme le montre cet exemple, permet effectivement à l’Homme de savoir comment il doit agir. Nos droits et nos devoirs sont autant de guides vers le but auquel nous devons aspirer : respecter notre devoir moral, qui s’impose à nous comme composant essentiel de notre humanité. AUGUSTE COMTE écrira d’ailleurs : « Nul ne possède d’autres droits que celui de toujours faire son devoir ». Ainsi, la justice semble en mesure de nous indiquer ce qu’il faut faire et peut nous aider [dans] la réalisation de notre raison et de notre humanité. Pour autant, suffit-il que le droit positif, incarné par la justice, se substitue au droit naturel pour que l’Homme puisse savoir ce qu’il faut faire ? Si la raison et la justice sont des solutions concernant des actes justes ou injustes, moraux ou amoraux, quid du geste quotidien, du geste technique ou artistique ?
Il semblerait alors que l’Homme, en tant qu’Homo faber, doive utiliser sa pensée pour décider ce qu’il doit faire, qu’il doive utiliser sa faculté d’invention pour deviner, ou plutôt déduire, de quelle manière il utilisera l’instrument. C’est à ce point de jonction entre conscience, science et technique que l’Homme trouvera peut-être ce qu’il doit faire : l’artisan, lorsqu’il se demande ce qu’il doit faire, se concentre sur la matière à laquelle il fait face et qui lui résiste ; il cherche, par l’esprit d’abord, puis avec ses outils ensuite, à transpercer cette matière, à l’éprouver, dans sa masse et sa solidité, afin de décider enfin de ce qu’il doit en faire. Le maître artisan est dès lors celui qui possède le savoir-faire, qui peut à la perfection prévoir la forme que prendra l’objet, qui peut, s’il en ressent le besoin, fabriquer un nouvel outil, et fabriquer des « outils à faire des outils, et en varier indéfiniment la fabrication » comme l’écrivait BERGSON. On constate dès lors que la question de savori ce qu’il faut faire échappe, du moins en partie, à la raison et à la conscience, et qu’elle relève aussi de l’intelligence et de la déduction. En effet, l’Homme, en étant capable de prévoir les effets de ses actes, peut aussi plus facilement les orienter de telle sorte qu’ils aboutissent au mieux. En cela, la faculté de projection de l’Homme lui permet de savoir ce qu’il faut faire.
Nous avons ainsi montré que l’exercice de notre raison, de notre conscience, de notre esprit, mais aussi que la justice, le droit et enfin la déduction, l’abstraction et la projection dont nous sommes capables jouent un rôle central pour savoir ce qu’il faut faire et ce qui est nécessaire. Pourtant, nous avons aussi l’intuition que l’abstraction et la conscientisation seules ne peuvent expliquer l’ensemble de nos actions, et donc qu’elles ne nous permettent pas à elles-seules de savoir ce qu’il faut faire. Mais alors, quel rôle jouent nos sentiments, nos émotions, notre expérience sensible d’autrui et du monde dans notre prise de décision ? Savoir ce qu’il faut faire, est-ce seulement se conformer à la raison et au droit, ou est-ce justement dépasser cela pour considérer aussi nos passions, nos désirs, nos faiblesses [ ?] Ce que nous faisons transforme le monde humain, il est donc normal, lorsque nous nous demandons comment savoir ce qu’il faut faire, d’inclure nos faiblesses dans notre réponse. Car pour savoir ce qu’il faut faire, il faut aussi considérer autrui : notre conscience n’est en effet pas une forteresse, elle se construit au contraire au contact du monde et par l’expérience, et donc nos actions sont aussi influencées par notre extériorité.

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Ainsi, il nous faut admettre que si nous voulons savoir ce qu’il faut faire, il faut aussi suivre nos désirs, dont SPINOZA disait que, plus que la raison, ils sont l’essence de l’Homme. Dans l’Ethique, il ajoute que l’Homme n’est pas « un empire dans un empire ». Il faut que nous reconnaissions alors ne pas disposer d’un libre arbitre total. Dès lors, est-il possible qu’il faille suivre ses désirs pour savoir ce qu’il faut faire ? Cela semble être, possible dans la mesure où ces désirs sont modérés. En effet, si l’objet de nos désirs sont des plaisirs simples et nécessaires, comme l’explique EPICURE dans la Lettre à Ménécée, et si l’on cède aux bonnes inclinations, il est possible d’agir selon nos désirs, et donc dans l’optique d’atteindre l’ataraxie, c’est-à-dire une forme du bonheur pour les épicuriens. De même, nous pouvons aussi diriger nos actes dans le but d’atteindre au bonheur, et si possible au plus grand bonheur possible pour tous. Le jugement moral n’est alors plus aussi primordial, puisque ce sont les conséquences, à savoir une augmentation ou une diminution du bonheur, qui importent. Dès lors, pour savoir ce qu’il faut faire, il nous faut en évaluer l’impact en terme de bonheur. Il faut d’ailleurs souligner que certains pays mesurent le bonheur, avec par exemple le Bonheur intérieur brut au Bouthan. Ainsi, pour prendre des décisions, on ne se réfère plus aux lois en tant que telles, mais à l’influence sur le bonheur. Cette vision de nos actes comme devant contribuer au bonheur se retrouve d’ailleurs dans la pensée utilitariste, et notamment chez STUART-MILL.
D’autre part, l’importance de l’expérience sensible et de la perception du monde laisse aussi penser que notre conscience ne peut seule nous permettre de savoir ce qu’il faut faire : ainsi, pour les phénoménologues, au premier rang desquels se trouve HUSSERL, « toute conscience est conscience de quelque chose » (HUSSERL, Méditations Cartésiennes). De fait, notre conscience passe par notre perception des phénomènes et, en tant que telle, elle est susceptible d’être trompée. Ainsi, faire de notre conscience notre unique critère de décision peut sembler hasardeux. Du moins faut-il peut-être tenir compte d’autrui pour savoir ce qu’il faut faire, car « être une conscience, c’est s’éclater vers le monde » comme l’écrira SARTRE dans l’Etre et le néant. Il nous faut dès lors nous arracher à « l’intimité gastrique » pour citer SARTRE, et cesser l’introspection de nos actes, pour les confronter aux autres, au monde, à autrui. Ainsi, pour savoir ce qu’il faut faire, peut-être faut-il préférer un rapport horizontal de nos actes au monde plutôt qu’une verticalité dans nos prises de décisions. Il ne sert à rien de douter d’actes que je n’ai pas encore accomplis, car ils n’existent pas encore en tant qu’actes vécus et réalisés. De même que notre pensée, tant que nous ne l’exprimons pas reste floue, de même nous ne connaîtrons les conséquences de l’acte qu’une fois ce dernier accompli. MERLEAU-PONTY écrivait dans Signes que « la pensée trame dans le langage », nous pourrions dire que de nos actes qu’ils trament dans notre existence. S’il faut certes inscrire nos actes dans un cadre moral, il faut aussi savoir les confronter au monde. De même, l’artiste ou l’artisan peut tout à fait concevoir par la pensée un chef-d’œuvre. Pour autant, tant qu’il n’aura pas « fait », il ne pourra pas être certain de son œuvre. Dans cet arraisonnement mutuel entre l’Homme et la matière, ce que HEIDEGGER nomme « das Gestell » il y a une part d’instinct. Ainsi, pour savoir ce qu’il faut faire, peut-être est-il nécessaire d’accepter cet arraisonnement. En effet, l’enfant qui découvre le monde ne sait pas encore ce qu’il faut faire des objets et des choses, et c’est justement dans son rapport maladroit au monde qu’il apprend. En cela, nous constatons combien l’expérience est importante pour savoir ce qu’il faut faire, autant au moins que cette conscience morale innée aux Hommes.
Alors, pour savoir ce qu’il faut faire, il faut tâtonner, essayer, se livrer à un minutieux acheminement de tout notre être au travers de l’expérience pour enfin découvrir ce qu’il faut faire. C’est ce processus extrêmement lent qui occupe l’Humanité tout entière, et c’est cela que nous nommons le progrès : un acheminement pour comprendre, pour savoir ce qu’il faut faire.
Enfin, s’il nous faut certes soupeser nos actes sur la balance de notre conscience, il faut aussi les examiner au jour de nos défauts et de notre propre mystère. Ainsi, le narrateur proustien dans A la recherche du temps perdu, à l’intuition qu’une part de lui-même lui échappe, et que certains de ses actes sont le fait d’un moi antérieur, différent de son moi présent. Il reprend d’ailleurs ici la théorie bergsonienne des « mois successifs ». Mais alors, si une partie de moi m’est obscure, comment puis-je savoir avec certitude si ce que je fais est bon ? Comment puis-je décider de mes actes si j’ignore qui exactement en moi les soupèse ? De fait, nous avons montré que si les lois, la conscience, l’intelligence, mais aussi l’abstraction jouaient un rôle essentiel dans ce qui détermine nos actes, les désirs, l’expérience sensible, l’instinct et la prise de conscience de notre altérité sont tout aussi important pour savoir ce qu’il faut faire. Mais nous sommes là face à un paradoxe : comment savoir si ce que nous faisons est juste si ce nous pensions être notre critérium de vérité et de morale, notre conscience, peut être influencée par nos perceptions ? Comment concilier réalisation de nos désirs à travers nos actes et respect de notre devoir moral ? Comment, enfin, allier la précision du geste, du fait technique, et l’instinct qui le sous-tend, comment finalement établir la jonction entre la compréhension distanciée du monde et sa préhension à travers nos sens, nos actions. Il apparaît ainsi clairement que nos actes sont une médiation complexe entre nous-mêmes et le monde. Est-il alors possible de savoir avec certitude ce qu’il faut faire, et comment échapper à ce doute perpétuel qui menace nos actions ?

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Il s’agira à présent de se questionner sur la part de responsabilité que nous portons dans nos propres actes, mais aussi sur la possibilité d’un savoir-faire universel, et nous nous demanderons si le hasard et l’Art ne sont pas deux moyens pour dépasser le questionnement sur nos actes, afin d’agir réellement.
En effet, la notion d’inconscient psychique bouleverse notre conception de nos actes. Cet inconscient, dont on pressent qu’il nous dépasse, s’immisce entre moi et moi, et me fait craindre de ne plus pouvoir choisir ce que je dois faire. Si ce sont mes souvenirs d’enfance, mes traumatismes passés qui gouvernent ma conscience, puis-je encore avoir confiance en elle ? De fait, pour savoir ce qu’il faut faire, il faut sans doute admettre que nous ne pouvons justement tout contrôler ; alors peut-être pourra-ton se réaliser en tant qu’être, car comme le disait FREUD, « Wo es war, soll ich werden », que nous pourrions traduire par : « là où le Ca était, je dois advenir ». De fait nous ne pouvons être tout à fait sûrs de ce qu’il faut faire car, comme EINSTEIN a marqué la fin du déterminisme scientifique selon BACHELARD, de même FREUD a marqué la fin du déterminisme de nos actions. En démontrant l’existence de ces pulsions qu’il nomme raptus, FREUD montre d’un acte ne saurait être associé automatiquement à une intentionnalité. Comme les physiciens qui raisonnent désormais par calcul probabiliste, nous devons admettre que nos actes ne sont que des probabilités, c’est-à-dire que nous ne pouvons être certains ni de bien agir, ni même d’agir librement ou du moins en complète autonomie. Même si pour SARTRE une telle posture relève de ce qu’il nomme la « mauvaise foi », il est nécessaire d’accepter que nous ne pouvons pas savoir forcément, et de manière immédiate ce qu’il faut faire.
D’autre part, une telle constatation conduit aussi à postuler le fait qu’il ne puisse y avoir de savoir-faire universel, et que tout savoir-faire est par nature partiel. Ainsi, même les plus grands artistes doivent admettre que le hasard joue un rôle dans les gestes qui conduisent à la création. ARISTOTE disait d’ailleurs que « l’Art aime le hasard, et le hasard aime l’Art ». La technique se trouve alors dépassée par le propre de l’artiste : la vision artistique, qui fait dire à PROUST que « l’Art est une question de vision juste bien plus que de technique ». Ainsi, si l’artiste ne peut plus revendiquer de maîtriser totalement son savoir-faire, du moins la vision artistique, car subjective, lui demeure sans partage.
Enfin, le plus important, au-delà d’un questionnement sur la liberté de nos actions, ou sur ce qu’il faut faire, que ce soit au sens technique ou moral, est peut-être l’engagement. Savoir ce qu’il faut faire, c’est savoir à quel moment notre cœur, notre conscience, ce que nous appelons notre âme, se soulève et crie son horreur et sa révolte. Comment savoir ce qu’il faut faire ? Peut-être suffit-il d’écouter ce que crie parfois notre être tout entier. Comme ZOLA qui, lorsqu’il écrivit « J’accuse » dans l’Aurore se souleva de tout son être contre l’injustice et l’antisémitisme. Cet engagement si fort, il n’est possible qu’à travers l’Art, qu’il soit littéraire ou pictural, comme en témoigne Guernica de PICASSO. Alors, la question n’est plus de savoir ce qu’il faut faire, mais comment il faut le faire.
Ainsi, nous avons montré que la notion d’un inconscient psychique a totalement bouleversée la conception de nos faits et gestes, mais a aussi posée la question des limites de nos responsabilités. D’autre part, l’idée de l’existence d’un savoir-faire universel a été écartée, au profit d’une subjectivité qui demeure le propre de l’artiste, cette subjectivité qui lui permet de sublimer ses passions en actes poétiques, de faire œuvre de poète au sens premier de « poeïn », créer, « faire » : c’est ce que réalise RENE CHAR lorsqu’il écrit : « le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir ». Dès lors, le paradoxe entre conscience et devoir moral d’une part, et désirs, passions et expérience sensible de l’autre, est dépassé par la valeur de l’engagement dans une cause juste. C’est ce que fait le poète, ne se demandant plus ce qu’il doit faire, et se livrant tout entier à sa muse : il s’arrache des contingences humaines, et revêt, pour citer BAUDELAIRE, une fonction « extra-humaine » (« Article sur THEOPHILE GAUTIER », L’Artiste).

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En conclusion, si la conscience nous paraissait être, aux côtés de la raison, le premier critère pour savoir si ce que nous faisons est juste ou nécessaire, notamment via le devoir moral kantien, il est apparu que l’acte technique échappait à cela au profit de la nécessité d’une objectivation du réel par la technique. D’autre part, le désir, les sentiments sont aussi apparus comme des éléments nous permettant de savoir ce qu’il faut faire, ainsi que l’instinct et la confrontation au monde et à la matière, dans le but d’atteindre le « Dasein » heideggérien, au sens « d’être-au-monde ». Ces considérations et cette opposition entre expérience sensible et abstraction de la conscientisation se trouvent dépassées par l’Inconscient et la force de l’Art et de l’engagement. Enfin, peut-être est-ce là l’un des rôles de la philosophie que de montrer à l’Homme, que, plus que de savoir ce qu’il faut faire, il doit agir pour tenter de bâtir une société plus juste. Peut-être est-ce ROUSSEAU qui a le mieux résumé cette idée d’une alliance en l’Homme de la conscience et de l’instinct, lui qui écrivait « Conscience, conscience, ô instinct divin ». Conscience, certes divine, mais qui relève aussi de l’instinct. L’Homme est-il dès lors condamné à ignorer lui-même les éléments moteurs de son action ? Une chose est sûre : l’élève a cessé de douter devant sa copie : il écrit, car l’acte d’écriture, même imparfait, est l’acte d’une conscience qui s’éveille au monde, ne craignant pas les erreurs, car pour savoir ce qu’il faut faire, il faut aussi savoir oser.

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